De l’Afghanistan à l’Irak, tous les conflits récents ont souligné le rôle indispensable que joue l’appui aérien rapproché – ou selon l’appellation anglo-saxonne Close Air Support (CAS) – dont la mission consiste à appuyer des manœuvres terrestres par des frappes ciblées. De nature souvent complexes, les missions de CAS nécessitent à la fois un usage précis de la puissance de feu, un délai de réaction rapide et une bonne synchronisation avec les unités au sol.

Devenues de plus en plus complexes en raison de la nature des conflits modernes, asymétriques pour la majorité et surtout situés pour la plus part dans des zones à forte densité de population ou inversement à des espaces lacunaires, désertiques ou de forêt dense, le domaine du CAS fait aujourd’hui appel à des technologies de pointe pour garantir une grande précision et limiter les dommages collatéraux.

Au cours des deux dernières décennies, ce domaine a subi de profonds bouleversements au rythme des ruptures technologiques, l’accélération du rythme des opérations ainsi qu’à la numérisation croissante du champ de bataille. Ces évolutions ont permis d’améliorer l’efficacité du processus décisionnel et la précision des frappes tout en réduisant les délais d’application des feux.

La sophistication rapide de la discipline a progressivement vu apparaître des outils dédiés et standards destinés à garantir l’interopérabilité des matériels comme la qualité des échanges entre le ciel et la terre pour assurer une bonne coordination des forces armées. C’est dans ce contexte que le GEOINT s’est rapidement retrouvé en première ligne, poussé à la fois par l’innovation, la démocratisation des systèmes d’informations géographiques (SIG) et le besoin de partager efficacement des informations géolocalisées, la place qu’occupe le GEOINT dans les missions de CAS est aujourd’hui centrale.

L’appui aérien rapproché ou close air support (CAS)

L’Appui Aérien Rapproché Close Air Support (CAS) ou appui aérien rapproché est une technique permettant à une composante terrestre engagée sur le terrain de bénéficier d’une couverture aérienne. Dans l’acceptation anglo-saxonne, le CAS englobe différentes fonctions telles que l’appui renseignement, l’appui aux opérations psychologique (PSYOPS) ainsi que l’appui à la mobilité 3D. Dans l’acceptation française le CAS est davantage focalisé sur l’appui aérien centré sur le feu. Le CAS est planifié et exécuté pour soutenir les unités tactiques terrestres, il peut être appliqué à tout moment et en tout lieu lorsque des forces amies sont à proximité de forces adverses. Le CAS peut s’avérer un moyen efficace pour exploiter des opportunités tactiques afin d’harceler, retarder ou encore neutraliser des forces adverses.

L’exigence de ce type de mission est très élevée, en raison notamment de la proximité des forces amies lors de l’application des feux, elle implique donc une grande réactivité, une désignation du ou des objectifs la plus précise possible et surtout bonne coordination entre les troupes terrestres et l’équipage.

Dans le cadre d’une mission de CAS, les renseignements apportés par les combattants et la situation tactique ont un rôle de premier ordre en tant qu’aide à la décision. Ces renseignements sont acquis par observation directe ou en extrapolant la situation tactique des systèmes d’information tactiques à leur disposition (Friendly Force Tracking / Red Force Tracking)*.

Digitally Aided Close Air Support (DACAS)

L’appui aérien numérisé ou Digitally Aided Close Air Support (DACAS) est une configuration technique facilitant l’intégration des moyens de communication entre un équipage et le Joint Terminal Attack Controller (JTAC), elle permet de raccourcir le délai des frappes aériennes et d’améliorer la compréhension de la situation tactique partagée entre les différents acteurs.

Cette évolution permet la transmission des éléments indispensables à une demande d’appui feu via une messagerie standardisée retranscrivant par radio l’ensemble des paramètres de la mission de CAS via une liaison de données (au format Variable Message Format – VMF) plutôt que par la voix. Véritable révolution dans le domaine de l’appui aérien, l’exploitation de la liaison de données tactiques instaure un dialogue numérique entre les avions et le personnel au sol par le biais d’outils adaptés. Elle permet de transmettre des données géolocalisées directement au pilote pour désigner des objectifs et l’informer sur la situation tactique en temps réel.

L’emploi d’outils numériques s’appuyant principalement sur des solutions GEOINT dédiées à ce type de missions couplées à des systèmes de communications permet de faciliter le travail de toute la chaîne participant à la mission CAS. Cette configuration technique offre une haute valeur ajoutée aux missions de CAS et permet de réduire drastiquement le temps de traitement d’un objectif, mais cet emploi sollicite encore davantage les impératifs d’interopérabilité.

Des outils pour faciliter le travail des JTAC

Depuis le début des années 2000, de nombreux dispositifs techniques ont été mis en oeuvre pour raccourcir la boucle décisionnelle et faciliter l’application des feux. L’usage de la full motion video (FMV) et la généralisation du système ROVER auprès des forces de l’OTAN illustre par exemple parfaitement cette démarche. 

Le système ROVER

Apparu en 2002, le système ROVER conçu par la société L-3 Com permet à l’opérateur sur le terrain comme aux structures de commandement de bénéficier d’un retour vidéo continu de l’avion afin de visualiser l’environnement opératif. Le système ROVER utilise des radios haut débit large bande permettant la réception du streaming vidéo des PODS de désignation laser qui équipent les vecteurs aériens (drones, avions, ALSR)

Ce système a permis d’améliorer considérablement les échanges Air-Sol par l’identification visuelle des cibles via un dispositif de visualisation commun entre le JTAC et le pilote. Déclaré capacitaire par les forces américaines en 2009, ce système a été imposé aux forces de la coalition pour obtenir l’étiquette « combat ready » et être déployées sur les théâtres d’opérations. Massivement utilisé en Afghanistan ce dispositif a équipé les mirage 2000D de l’armée de l’air la même année.

La démocratisation des outils cartographiques

A cette même période, la montée en puissance du GEOINT a eu un fort impact sur les méthodes de travail des forces terrestres, grâce notamment à la démocratisation des systèmes d’informations géographiques (SIG), à l’accès à l’imagerie spatiale mais aussi par la standardisation des formats et interfaces. Couplés à des moyens de localisation de type GPS ou encore d’observation (télémètre), les outils SIG sont rapidement devenus des outils indispensables pour les missions de CAS facilitant ainsi le travail des équipes sur le terrain comme en vol.

Cet engouement pour les outils SIG a motivé le développement d’outils cartographiques métiers intégrant des fonctionnalités adaptées à ce type de missions et surtout interopérables avec les différents matériels mis en oeuvre par les armées. Ces outils baptisés MGIS (Military Geographic Information Systems) permettent aux utilisateurs de mettre en oeuvre facilement des fonctionnalités alliant à la fois données géographiques et imagerie, systèmes de géolocalisation et moyens de communications grâce à une interface simplifiée et adaptée au terrain.

Le logiciel SCARABEE

C’est dans cette philosophie qu’est né le concept de SCARABEE, développé par des membres du Commando Parachutiste de l’Air n°10 (CPA10) à partir du logiciel SIG Géoconcept en 2006, ce logiciel avait pour but de faciliter la communication entre le JTAC et le pilote en permettant le partage de la situation tactique, via une liaison de données simple, garantissant ainsi une meilleure appréhension de l’objectif.

« Avant, on se parlait en clair à la radio avec le JTAC, grâce à SCARABEE, nous avons gagné en précision, en temps et on s’est affranchi des problèmes de linguistique et de conversion de coordonnées », expliquait en 2008 le Colonel Cédric Gaudillère ancien navigateur officier système d’armes sur Mirage 2000D.[5]

L’interopérabilité du SIG avec les matériels utilisé sur le terrain – interfaces avec les récepteurs GPS militaires PLGR et DAGR ainsi qu’avec les jumelles de visée laser – et l’intégration d’une liaison de données de type Improve Data Modem (IDM) a permis de transmettre en UHF des informations tactiques précises directement à l’équipage de l’avion et gagner un temps considérable lors de l’exécution de missions de CAS.

ALLIANCE

Le projet ALLIANCE a été développé au sein de l’armée de l’air par les équipes du centre d’expertise aérienne militaire (CEAM) du Groupement Aérien de l’Informatique Opérationnelle 02.617 (GAIO) qui développe le logiciel et du CPA10 dès 2008 suite au travail exploratoire mené sur le démonstrateur SCARABEE.

Le projet ALLIANCE (Applicatif Logiciel Interopérable d’Aide Numérique sur Calculateur Embarqué) est système applicatif dédié à l’appui aérien se basant (à l’origine) sur un logiciel de préparation de missions de l’armée de l’air nommé Melissa NG. Dédié à tous les acteurs du de la chaîne CAS de l’armée de l’air, ALLIANCE intègre un certain nombre de fonctionnalités adaptées à ce type de missions, ainsi qu’une interface permettant une utilisation simple sur le terrain via des périphériques mobiles tactiles. Ces tablettes équipée du logiciel ALLIANCE sont déployées en opération depuis 2010.

DELTA SUITE

Autre outil ayant bénéficié à la fois du retour d’expérience du concept SCARABEE et des opérations spéciales menées ces dernières années, le logiciel Delta Suite de la société Impact est un outil cartographique qui intègre, autour d’un puissant serveur de communication, des fonctionnalités et applicatifs métier répondant aux besoins variés des forces armées.

Si la Delta Suite n’est pas spécifiquement dédiée aux missions de CAS, elle regroupe un certain nombre de fonctionnalités lui permettant de s’intégrer dans une chaîne DACAS ou de s’interfacer avec des systèmes métier. La conception de cet outil permet de limiter les actions techniques pour connecter et reconnaître les matériels externes mis en oeuvre par les combattants (dispositifs de communication, de positionnement par satellite ou de télémétrie laser).

Outre son ergonomie, le point fort de cet outil repose avant tout sur son interopérabilité avec des éléments tiers employés par les forces armées. La Delta Suite intègre différents standards et protocoles STANAG (VMF, NFFI, FMV) ou autres (CoT, Liaison H, trames propriétaires) et moyens de communication (dont les systèmes ROVER 5i, Iridium et radios UHF de type PRC117/152) utilisés par les forces spéciales comme par les JTAC et permet d’afficher la situation tactique en temps réel (FFT).

Le rôle central du GEOINT

Le GEOINT se trouve aujourd’hui au cœur de toute mission de CAS qui se veut efficace. Présent dès la préparation de la mission jusqu’à l’engagement, il joue un rôle de premier ordre pour soutenir la coordination des forces terrestres avec les moyens aériens. On le retrouve sous de multiples formes, des documents papier (baptêmes terrains) aux données géographiques de référence, des données tactiques jusqu’aux outils cartographiques dédiés mis en oeuvre par les JTAC comme par les équipages.

Les données géographiques et outils permettent aux combattants de visualiser et analyser leur environnement situationnel efficacement et de le partager sur un même référentiel, favorisant ainsi la compréhension mutuelle de la situation tactique tout en limitant les erreurs d’interprétation. La cohérence des données embarquées par les équipes au sol et les équipages dans ce type de mission est cruciale pour le partage d’informations, car elle permet de parler un même langage et de disposer des mêmes références visuelles.

Les armements modernes comme les opérateurs au sol utilisent ces données pour extraire les coordonnées qui serviront à délivrer de l’armement sur un objectif précis. Cependant, l’efficacité et l’utilité de ces sources de données dépendent de leur précision. Les organismes de production de données géographiques à des fins de missions de targeting sont confrontés au défi de garantir la validité et la précision des données malgré la disparité des capteurs. Cela passe par l’utilisation de produits standardisés et dédiés à ce type de missions.

L’essor des armements guidés

Apparu dès les années 60 en pleine guerre du Vietnam, les armements guidés ont su démontrer une efficacité redoutable pour cibler des objectifs militaires avec une grande précision. L’emploi de ce type de munitions s’est révélé être un véritable « multiplicateur de force » permettant à la fois de limiter la dispersion des munitions et de diminuer les dégâts collatéraux.

C’est la guerre du Golfe en 1991 qui marque le triomphe de l’arme aérienne et plus particulièrement des armements guidés. Au cours de ce conflit, les 9% d’armements guidés employés (dont 4,5% guidés laser) ont été à l’origine de la destruction de 75% des objectifs.

Il existe une grande variété d’armements guidés et de type de guidages, mais dans les missions de CAS, essentiellement deux classes d’armements guidés sont couramment utilisés:

  • Les armements guidés par laser (de type Paveway de Raytheon)
  • Les armements guidés par GPS (tel que les bombes JDAM de Boeing ou AASM de Safran) et/ou par centrale inertielle

Chacun de ces armements s’inscrit avec l’emploi d’une technique de désignation différente et défini la manière dont l’avion va acquérir la cible ou le marquage ainsi que la méthode d’attaque qui sera employée:

  • Le principe de la Bomb on Target (BoT) consiste à désigner la cible au laser par une équipe JTAC au sol, ou que l’avion illumine la cible lui-même grâce à son POD de désignation.
  • Le principe de la Bomb on Coordinates (BoC) impose à l’équipe JTAC d’extraire des coordonnées suffisamment précises pour produire l’effet final recherché et de les transmettre à l’avion.

Si l’identification d’une cible et son marquage au laser peut se faire par la caractérisation d’un objet via l’utilisation d’une référence visuelle mais commune entre le JTAC et l’équipage (système ROVER ou image de référence), l’efficacité opérationnelle des armements guidés par GPS est quant à elle conditionnée par la capacité des opérateurs à extraire un positionnement géospatial précis (en X,Y,Z) dans les meilleurs délais.

Le défi de la précision

La nécessité de localiser avec une grande précision est une réalité omniprésente des théâtres d’opérations d’aujourd’hui, cette problématique de précision est sans nul doute le premier des défis à relever pour les forces armées.

Outre l’imprécision des armements guidés, la maîtrise de l’erreur de localisation lors de l’extraction de coordonnées par l’équipe au sol est cruciale dans une mission de CAS. Il existe aujourd’hui différentes techniques permettant au JTAC d’extraire des coordonnées précises :

  • Via un jeu de données géographiques de référence
  • Via un dispositif de télémétrie (télémètres laser) associé à un dispositif de positionnement (Global Navigation Satellite System – GNSS)

Nous nous intéresserons dans cet article uniquement aux produits géographiques de référence utilisés par les armées. Afin d’être employés sur le terrain, l’erreur de ces produits nécessitent d’être quantifiée et certifiée par un organisme de référence (tel que l’Etablissement Géographique Interarmées pour la France par exemple). L’enjeu est stratégique, la capacité des forces armées à frapper avec précision en dépend et la moindre erreur peut avoir des conséquences non négligeables sur l’effet final recherché voir provoquer des dommages collatéraux.

Pour cela, des mesures d’exactitude sont effectuées sur les données et vont définir l’enveloppe d’utilisation fiable de ces données. Les techniques statistiques sont utilisées pour mesurer et identifier les erreurs. Ces mesures transmettent un niveau de confiance à l’utilisateur pour la précision probable des données qu’il utilise. La précision spatiale d’un produit est habituellement mesurée en mètres d’erreur linéaire (LE) pour les hauteurs et en mètres d’erreur circulaire (CE) pour la position horizontale, avec une probabilité de 90%.

La Target Location Error (TLE)

L’erreur de localisation d’une cible se mesure grâce à la notion de Target Location Error (TLE). Cette classification permet de mesurer le taux d’imprécision des coordonnées extraites par rapport aux coordonnées réelles de la cible.

La TLE permet de mesurer la qualité de la capacité d’extraction de coordonnées d’un produit ou système à travers six classes de précision :

  • TLE 1 taux d’imprécision de 0 à 6 mètres
  • TLE 2 taux d’imprécision de 7 à 15 mètres
  • TLE 3 taux d’imprécision de 16 à 30 mètres
  • TLE 4 taux d’imprécision de 31 à 91 mètres
  • TLE 5 taux d’imprécision de 92 à 305 mètres
  • TLE 6 taux d’imprécision de plus de 305 mètres

La compréhension de la TLE est cruciale pour apprécier la précision d’une capacité d’extraction de coordonnées destinées à l’application de feux. L’erreur de localisation globale est une combinaison statistique des erreurs TLE et des erreurs associées à l’armement guidé employé.

Si les forces armées françaises sont aujourd’hui en mesure de calculer des coordonnées en TLE1 pour des missions planifiées (avec un délais incompressible de préparation), la vraie difficulté consiste à amener cette capacité stratégique jusqu’au niveau tactique le plus bas (le JTAC ou l’observateur d’artillerie) avec une réactivité maximale voir proche du temps réel.

Des produits GEOINT pour les missions de ciblage

Pour répondre aux exigences des missions de ciblage et garantir la précision planimétrique et altimétrique des coordonnées extraites à des fins de ciblages, des produits géographiques dédiés à ce type de missions ont été développés par les organismes cartographiques de nombreuses forces armées. Ces produits ont évolué avec les technologies pour faciliter leur emploi à travers les systèmes d’informations réseau-centrés mis en oeuvre par les armées.

On retrouve principalement deux catégories de produits distincts:

  • Les produits de type image + Modèle Numérique de Surface (MNS). La correction des coordonnées s’effectue par comparaison avec une image drapée sur un MNS.
  • Les couples d’images stéréoscopiques, permettent d’extraire des coordonnées par pointé stéréoscopique ou bi-monostatique.

Digital Point Positionning Database (DPPDB)

Initialement développé par la Defence Mapping Agency (DMA) dès 1995 suite aux retours d’expériences de la guerre du Golfe puis produits par la National Imagery & Mapping Agency (NIMA) par la suite, les produits DPPDB sont des couples d’images stéréoscopiques de haute résolution destiné alimenter les systèmes d’armes et de navigation de l’US Air Force.

Découpé en rectangles de 60 miles nautiques, ces produits servent de donnée de référence aux forces armées américaines et permettent d’extraire des coordonnées de grande précision dans les trois axes (X,Y,Z). Si la précision exacte de ces produits est classifiée, leur précision serait suffisante pour extraire des coordonnées en TLE1.

Géobase Défense / Géosocle

Les produits GéoBase Défense sont la référence pour le positionnement géographique de l’ensemble des produits cartographiques militaires. Elle se compose d’un fond image ainsi qu’un modèle numérique de terrain (MNT) issus du satellite Spot5 HRS (Haute Résolution Stéréoscopique). Les produis sont découpés par zones d’un degré carré et chaque dalle possède des métadonnées permettant de visualiser la qualité des produits. Depuis 2015, le renouvellement des produits Géobase se fait grâce aux produits Géosocle qui s’appuient sur les images issues des satellites SPOT6/7 ainsi que sur la constellation Pléïades.

Principalement réservées aux forces françaises, ces produits peuvent être utilisés dans les systèmes d’armes actuellement en service dans les armées. Elles servent également de référence pour le positionnement lorsque d’autres données géographiques doivent être produites par des unités de la Défense.

Vricon

Déjà présenté lors d’un article précédent consacré à la photogrammétrie, la société VRICON (filiale du groupe Saab) propose des produits géographiques de haute résolution (de type image + MNS) permettant l’extraction de coordonnées en TLE1.

La précision 3D des produits fournis par VRICON permet de calculer et représenter les zones d’effets théoriques des armements guidés employés comme les zones d’intervisiblité pour faciliter l’identification des points d’observation destinés aux JTAC. Les données produites par la société sont aujourd’hui utilisées en condition opérationnelle par l’armée suédoise et les forces armées américaines.

Faciliter la diffusion des produits de ciblage: le cas du système Gridlock

Souvent classifiés, volumineux et issus de long processus de production ne permettant pas d’obtenir des images suffisamment actualisées des zones d’opérations, les produits de référence destinés aux missions de ciblage souffrent de limitations parfois trop contraignantes pour donner une réponse opérationnelle réellement efficace.

Partant de ce constat, la National Geospatial-Intelligence Agency (NGA) a développé le programme Gridlock. Ce concept permet de faciliter la diffusion de produits de ciblage certifiés en recalant automatiquement les images tactiques recueillies sur le théâtre par des capteurs ISR sur des images de référence (produits DPPDB) améliorant ainsi la précision TLE.

Le système Gridlock permet au combattant de générer automatiquement un produit de ciblage en moins de trois minutes seulement en présentant à l’utilisateur des coordonnées précises (inférieures à 10m selon les produits utilisés) et des estimations d’erreur associées. Cette technique permet à la fois de minimiser le besoin en formation des opérateurs et de garantir une grande réactivité pour extraire les coordonnées fiables d’une cible.

Golden-Bay real-time imagery processing system

Confrontées aux même type de problématiques, les forces armées israéliennes ont conçu un système similaire destiné à augmenter de manière significative la précision de localisation des images ISR à des fins de ciblage. Baptisé Golden-Bay, ce système développé par la société RAFAEL aurait la particularité de fonctionner en quasi-temps réel.

Un domaine poussé par l’innovation

Employé quotidiennement au cœur des opérations, le GEOINT est aujourd’hui devenu bien plus qu’un outil au service des combattants. Son utilisation lors d’échanges d’informations en font un véritable vecteur de connaissance concis et visuel permettant de garantir la précision des frappes comme la compréhension de l’environnement opérationnel entre les différents acteurs de la chaîne CAS.

Le rythme effréné des évolutions technologiques et innovations a littéralement transformé le domaine du CAS au cours de ces dernières années. La numérisation du champ de bataille et l’avènement prochain du DACAS en tant que capacité opérationnelle en est l’illustration concrète aujourd’hui. Les démarches entreprises pour accroître l’efficacité de la chaîne CAS se concentrent notamment sur la qualité informationnelle des échanges et la réduction du temps d’attente moyen entre la demande d’appui aérien et la frappe swaves-360x236aérienne. A ce titre, la DARPA a lancé le programme Persistent close air support (PCAS) de en 2010, qui vise à renforcer la coordination entre les JTAC et équipages grâce à l’emploi d’outils numériques sur tablette pour identifier rapidement de multiples cibles simultanément partager l’ensemble de ces informations en temps réel.

L’innovation dans le domaine du GEOINT demeure un élément clé de l’efficacité des missions de CAS. Des solutions logicielles aux produits facilitant le ciblage, de nouvelles technologies telles que la réalité augmentée ou le cloud computing offrent des perspectives très prometteuses pour optimiser l’exploitation comme la présentation des données géospatiales. Ces innovations contribuent dans leur ensemble à renforcer le rôle tenu par le GEOINT sur les théâtres d’opérations.

Jean-Philippe Morisseau

 Bibliographie

  1. Elie Tenenbaum, « Entre ciel et terre. Le débat air-sol et les défis de l’appui-feu » https://www.ifri.org/fr/publications/enotes/focus-strategique/entre-ciel-terre-debat-air-sol-defis-de-lappui-feu
  2. Joint Publication 3-09.3, « Close Air Support » https://fas.org/irp/doddir/dod/jp3_09_3.pdf
  3. Lcl BASSET « L’intégration air sol – Le domaine des Forces Spéciales Air », Mémoire, 2012
  4. Wikipedia, « Close Air Support » https://en.wikipedia.org/wiki/Persistent_Close_Air_Support
  5. Samantha Lille , « Scarabée, un pont entre terre et ciel »  http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/innovation-scarabee-un-pont-entre-terre-et-ciel

  6. Jean-Dominique Merchet, « Rover : progrès tactique, mais défaite stratégique
     » http://secretdefense.blogs.liberation.fr/2010/03/30/rover-progres-tactique-mais-defaite-strategique/
  7. http://www.globalsecurity.org, « Digital Point Positioning Data Base (DPPDB) » http://www.globalsecurity.org/intell/systems/dppdb.htm
  8. Duncan Macrae, « PCAS : vers un appui aérien plus efficace », http://www.air-cosmos.com/pcas-vers-un-appui-aerien-plus-efficace-43645
  9. Lt. Christine, D. Millette, « Gridlock technology brings coordinates to warfighters » https://www.google.fr/search?q=gridlock+NGA&oq=gridlock+NGA&aqs=chrome..69i57j69i59.2767j0j9&sourceid=chrome&ie=UTF-8

  10. Sydney J., Freeberg Jr. « Marines Explore Augmented Reality » http://breakingdefense.com/2015/09/marines-explore-augmented-reality-training/

4 réflexions sur “Le GEOINT au cœur de l’appui aérien

  1. Très intéressant. J’ai deux questions:
    – Est-ce si important d’avoir les coordonnées absolues de la cible en CAS? Les coordonnées GPS relatives ne suffisent-elles pas, tant que tous les acteurs ont la même erreur?
    – Quel est le thème wordpress de votre blog? Je le trouve très bien fichu.

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    1. – L’utilisation de coordonnées relatives n’est applicable que pour la désignation de cibles (BoT), de plus elle implique d’avoir une même référence entre le au sol et l’air, ce qui est difficilement applicable sur un théâtre d’opération comprenant des acteurs multinationaux.
      – Je vous envoie le nom du thème par mail.

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  2. Toute cette formidable technologie n’empêche en rien l’enlisement des conflits, ni l’amplification des « dommages collatéraux », dans ces « guerres asymétriques » où s’égarent les puissances occidentales.

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