L’année 2021 débute, l’occasion de vous présenter mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année, mais aussi l’occasion de faire une rétrospective des événements marquants de l’année 2020 qui, une fois n’est pas coutume, a été très riche dans le domaine de l’information géospatiale, mais également du GEOINT. Ce dernier aura fait son apparition dans le dans le nouveau livre blanc du ministère de l’intérieur (voir article précédent), un symbole fort qui contribue à la reconnaissance de la discipline.

En 2020, le GEOINT aura également fait parler de lui grâce à l’ouverture du master 2 Géopolitique-Information géographique numérique à Sorbonne Université Lettres supervisé par Philippe Boulanger. Réalisée en partenariat avec la société Preligens (ex Earthcube) et la Direction des Renseignements Militaires (DRM), cette formation diplômante a pour vocation de former les futurs analystes spécialisés dans l’activité spécifique du GEOINT. Ses membres auront eu, lors du dernier trimestre 2020, le plaisir de suivre le séminaire de recherche organisé par, SCAI (Sorbonne Center for Artificial Intelligence) et Philippe Boulanger sur la thématique « Où en est le Geospatial Intelligence en France ».

Une année marquée par la pandémie de Covid-19

2020 aura été une année particulièrement marquée par la pandémie mondiale de Covid-19. Cette crise sanitaire d’ampleur inédite aura popularisé une cartographie interactive mondiale des cas recensés, actualisée par l’Université Johns-Hopkins. Largement relayé sur internet, cette cartographie en question a permis de présenter à des milliers de personnes un point régulier des cas cumulés et des cas actifs, des décès et des guérisons.

Basé sur des sources nombreuses et variées: Organisation mondiale de la santé (OMS), Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), Commission nationale de la santé chinoise, médecins et professionnels de santé réunis sur le site DXY; le projet compte une douzaine de personnes. Face à l’ampleur de la tâche, l’équipe a rapidement eu recours à des procédés d’automatisation pour actualiser les données toutes les heures.

Conséquence indirecte de la pandémie de Covid-19, les impressionnantes images d’avions cloués au sol capturées par les satellites d’observation un peu partout à travers le monde (et pas uniquement des Boeing 737 Max comme l’année précédente…).

Autre conséquence de la pandémie, Google qui se pavane en sauveur des commerçants à travers une campagne de communication omniprésente (spots TV à l’appui). De quoi faire pâlir les collectivités, qui peinent encore à trouver des alternatives crédibles pour faire face à l’imprévu. Pendant la crise sanitaire, même les adeptes d’ESRI auront goûté à Google My Maps pour répondre à l’urgence de la situation.

L’espace plus que jamais en pleine effervescence

Ne vous y trompez pas, ce n’est pas une pluie d’étoiles filantes qui vient de traverser le ciel sous vos yeux, mais bien une constellation de satellites ! L’année 2020 restera dans les annales comme une année record tant par le nombre de lancements que de satellites mis en orbite autour de la Terre !

La révolution de l’industrie spatiale mondiale qui a débuté au cours de la dernière décennie s’est poursuivie tout au long de l’année 2020 à un rythme effréné malgré la pandémie. Avec 115 lancement et pas moins de 1261 satellites mis en orbite, 2020 nous rappelle que la dynamique du New Space ne perd rien de sa superbe !

La Chine a été plus active que jamais en 2020 avec un total de 39 lancements (contre 36 aux USA). Outre la mise en orbite de nouveaux satellites d’observation (Gaofen, Yaogan, Jilin, etc.), la Chine a achevée le déploiement de son système de positionnement par satellite Beidou, de troisième génération. Aujourd’hui opérationnel, il comprend 35 satellites répartis sur différentes orbites afin de permettre une couverture mondiale avec une précision inférieure à 5 mètres en Eurasie et d’environ 10 mètres dans le reste du monde. L’année s’est également terminé sur le succès de la mission lunaire chinoise Chang’e-5, qui s’est posée sur la lune le 1er décembre 2020.

Helios, une page se tourne

Côté Français cette fin d’année 2020 aura été marquée par un tournant dans le domaine de l’observation spatiale militaire. Le 17 décembre 2020, les satellites Helios 2A et 2b capturaient leurs dernières images, mettant ainsi un terme à l’extraordinaire aventure du système Helios, dont l’exploitation aura durée près de 25 ans !

Le passage de flambeau s’est fait en douceur grâce a l’exploitation du satellite de nouvelle génération CSO-1 en orbite depuis bientôt 2 ans. Il a été rejoint par le satellite CSO-2, lancé avec succès par une fusée Soyouz le 29 décembre 2020. Ce dernier viendra renforcer les capacités des armées en capturant des images en extrême haute résolution (EHR). Le satellite CSO-3 viendra normalement compléter la constellation en 2021.

Le New Space tricolore se porte bien

Faisant suite au lancement de son premier satellite BRO-1 en août 2019, la startup Rennaise Unseenlabs a franchi une étape importante de son développement en mettant en orbite deux satellites respectivement baptisés BRO-2 et BRO-3 le 20 novembre 2020.

Complémentaires aux différents types de données historiques de connaissance des activités en mer (balises coopératives, optiques, technologie SAR), les données produites par les satellites d’Unseenlabs permettent d’identifier des ondes électromagnétique et de géolocaliser n’importe quel navire en mer depuis l’espace. Pour en savoir plus, je vous invite à découvrir cet article qui leur est consacré.

La startup Kineis, qui ambitionne de placer en orbite une constellation dédiée à l’internet des objets, a quant à elle annoncé avoir levé 100 millions en février 2020. Premier lancement prévu pour 2022. Autre fait marquant, la start-up Exotrail, société française spécialisée dans la propulsion des petits satellites afin de leur permettre de changer d’orbite en fonction des missions attribuées. Trois ans après sa fondation, Exotrail a finalisé une nouvelle levée de 11 millions d’euros en 2020.

Un nouvel acteur du New Space Français est sorti du bois en 2020, la startup Promethée a levé 2,2 millions d’euros pour concevoir les démonstrateurs d’une constellation de nanosatellites d’observation de la Terre et d’une plateforme d’analyse des données dédiés aux pays en développement. Basée à Pantin en Seine-Saint-Denis, la startup opère sur Paris et Toulouse et ambitionne un premier lancement dès 2023.

Enième conséquence indirecte de la pandémie, le report du lancement du premier satellite de la constellation d’Airbus Pléiades Néo dont le lancement a été reporté en mars 2021. Chaque satellite enrichira quotidiennement l’offre d’Airbus d’images d’une résolution de 30 cm.

Analyse et cartographie numérique

Si la miniaturisation des satellites ne représente pas une innovation de rupture en soi, l’écosystème de l’analyse tend quant à lui à se structurer davantage pour répondre à l’abondance des données spatiales produites par les constellations et proposer de nombreux services commerciaux.

Spécialisée dans l’analyse de données géospatiales assistée par intelligence artificielle (IA), la startup Earthcube a beaucoup fait parler d’elle en 2020. Rebaptisée Preligens, la société a levé 20 millions d’euros auprès de trois fonds, dont un du ministère des Armées afin de poursuivre sa croissance en France et à l’étranger.

Autre startup issue de la Spacetech qui a fait parler d’elle en 2020, Kayrros, qui propose une plateforme d’analyse avancée de données qui aide les acteurs du marché mondial de l’énergie à prendre de meilleures décisions d’investissement. Kayrros a lancé en 2020 un service inédit qui permet de détecter, mesurer et attribuer les fuites de méthane à grande échelle, partout dans le monde, et en temps réel. Une aubaine pour la Commission Européenne qui cherche aujourd’hui à standardiser le système de mesure du méthane afin d’identifier, taxer et in fine limiter les activités les plus polluantes au monde.

Nouvelle surprenante de l’année 2020, Amazon a officialisé le lancement de son service cartographique. Baptisé Amazon Location Service, ce dernier s’adresse surtout aux développeurs désireux d’intégrer des fonds de cartes, de bénéficier de services de géocodage, de geofencing et de prochainement de navigation. Les outils proposés par Amazon ne tombent pas du ciel, puisque l’infrastructure s’appuie principalement sur les technologies d’ESRI et de HERE Technologies.

Autre annonce qui en a surpris plus d’un en 2020, la mise à jour par Mapbox de sa solution MapboxGL v2 avec des changements très attendus (notamment l’intégration de la 3D), mais aussi et surtout son changement de licence qui devient désormais propriétaire. Une décision qui a produit une véritable onde de choc dans l’industrie géospatiale et qui a prit de court de nombreux contributeurs de cette bibliothèque précédemment open source. Si les rendus cartographiques 3D sont réussis, la douche est froide, et questionne sur la pérennité du modèle économique de l’open source, Heureusement, un fork baptisé Maplibre basé sur des version antérieures de MapboxGL à vu le jour dans la foulée.

Tempête Alex, des images impressionnantes

Je finirais par les images produites par l’IGN suite aux intempéries d’une rare violence survenues le 2 octobre 2020 dans les Alpes-Maritimes. Suite à la demande de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) des Alpes Maritimes et de l’Office National des Forêts (ONF), l’IGN a survolé les zones sinistrées du département afin d’acquérir des prises de vue aériennes et constater l’ampleur des dégâts.

Vallée du Boréon, Saint-Martin-Vésubie (06) les 5 juillet 2017 et 5 octobre 2020. Images IGN

En quelques jours, plus de 2 000 photographies aériennes ont été réalisées, avec une précision de 5 à 15 cm. L’IGN a également effectué des relevés lidar, permettant d’obtenir une représentation en 3D de la surface du sol. Les prises de vues aériennes très haute résolution (entre 5 et 15 cm) sont consultables sur le lien suivant.

L’IGN s’ouvre davantage à l’open data

On reste à l’IGN, et je terminerais sur un dernier mot qui promet le meilleur pour cette année 2021, le 13 décembre l’IGN annonçait l’ouverture de ses données publiques à compter du 1er janvier 2021. Parmi les données importantes qui seront désormais ouvertes, citons notamment la BD TOPO®, la BD ORTHO®, la BD forêt® et le RGE® Alti.

Un accès gratuit et libre pour tous, qui contribue au plan national de relance de l’économie. La mise à disposition de ces données publiques se fera progressivement jusqu’à la mise en place du nouvel outil de diffusion massif des données de l’IGN, prévu au 1er trimestre 2021.Une annonce qui était initialement attendue pour 2022, et qui et qui laisse présager le meilleur pour cette nouvelle année !

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