J’ai le plaisir de partager avec vous un article co-écrit avec Hervé Le Borgne, conseiller dans le domaine de l’Air Land Integration (ALI) & expert dans les Liaisons de Données Tactiques (LDT) sur une vision de ce que pourrait devenir l’appui aérien à l’horizon de 2030. Bonne lecture.

Tout comme Internet, la guerre vit ses révolutions. Le rythme effréné des évolutions technologiques a littéralement transformé le domaine de l’appui aérien rapproché ces vingt dernières années. De l’époque où le contrôleur aérien avancé se trouvait généralement dans un véhicule blindé en ex-Yougoslavie jusqu’à la mutation de l’appui aérien vers le numérique avec l’avènement du DACAS, facilitant les échanges entre acteurs de la chaîne d’appui grâce à l’usage des tchats en Afghanistan, il semble y avoir un monde. La prochaine transformation de l’appui aérien, sera probablement celle de l’appui aérien fulgurant grâce la réduction de la dimension temporelle dans la boucle décisionnelle Orientation, Observation, Décision et Action (OODA).

Ces développements soulèvent néanmoins de nouvelles interrogations quant au rôle que tiendra le contrôleur aérien avancé (ou Joint terminal attack controller – JTAC) sur le champ de bataille, sera-t-il un acteur engagé prenant part aux actions ou deviendra-t-il un simple spectateur de sa mission ? Nous allons à travers cette réflexion commune tenter de dresser un tableau ce que pourrait être le futur de l’appui aérien, en arborant différents domaines clés, sujets à de fortes ruptures dans les années à venir dans le domaine des drones, des communications, du GEOINT, du soldat augmenté et de l’Intelligence Artificielle. Dignes des meilleurs films de science-fiction, certaines technologiques émergentes aujourd’hui promettent des révolutions.

Les drones en appui ou extension du JTAC ?

Lorsque l’on évoque les drones, quantité d’idées pourrait survenir de cet univers en pleine ébullition, depuis quelques années, on constate une évolution rapide des technologies liées aux drones, dont l’autonomie et les usages ne cessent de croître dans le monde militaire comme dans le monde civil. Nous nous limiterons néanmoins à considérer deux approches différentes dans cet article. La première concerne l’émergence des mini drones de type loiter munition, souvent baptisés drones suicides ou kamikazes. Certaines forces armées modernes comme les Etats-Unis et Israël utilisent déjà ce type de munitions tels que les systèmes Switchblade et Hero-30. Pourvu d’une endurance comprise entre 4h et 8h, ils voleraient tels des vautours, en tournoyant à proximité immédiate du contrôleur aérien avancé et seraient disponibles au pied levé tout au long de la mission. Ces drones décolleraient d’un véhicule porteur et pourraient aller s’y recharger en énergie, ils seraient même capable de changer de charge en fonction de la cible sélectionnée par le JTAC. La charge ne s’activerait que sur ordre du JTAC, ce qui permettrait une réversibilité impossible jusqu’alors. Cette solution offrirait aux forces armées une grande rapidité d’action et une capacité de feu persistante. La limite du concept se situera dans la capacité de tels systèmes à intervenir au-delà de leur rayon d’action, et surtout des moyens de communications permettant au JTAC de les contrôler.

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Une autre approche tout aussi pertinente et proche de la doctrine russe (plus d’humain en première ligne) consisterait à retirer le JTAC de la première ligne (étant un pion précieux) pour le repositionner à l’arrière dans un C2 mobile (Command and Control) qui d’ailleurs devrait probablement évoluer vers un C2 multi-domaines. L’avantage de cette approche serait de moins exposer le JTAC, qui serait à même d’assurer la continuité des frappes et de coordonner plusieurs drones tactiques en même temps et sur différentes zones. Le déploiement de ces nouveaux C2 mobiles en charge de l’engagement de plusieurs drones tactiques augmenterait sa disponibilité et sa réactivité tout en s’inscrivant dans un cycle opérationnel en temps réel. Etant dans un centre décisionnel des appuis, le JTAC repositionné au cœur des chaines CAS-ISR-FIRES ne serait plus le dernier maillon de celles-ci comme bien souvent aujourd’hui. Ce scénario comporterait tout de même un inconvénient, le JTAC serait un gros consommateur de liaisons de données tactiques et ce système devrait être résilient en cas d’attaques cyber. De plus, ce type de système C2 multi-domaines et mobile serait un centre névralgique probablement très coûteux à développer comme à maintenir. Cependant il semblerait que cette seconde piste soit celle retenue par les Etats-Unis pour le moment.

Communications : les radios seront « All in one »

Pierre angulaire des missions de CAS, les moyens de communications vont permettre de simplifier et densifier les échanges entre les différents acteurs. Jusqu’à présent dédiées aux réseaux de transit entre centres stratégiques ou opératifs, le haut débit verra sa généralisation dans les réseaux de desserte par l’amélioration des outils de communications. A l’heure actuelle il n’existe pas ou peu de solutions satellitaires pour des JTAC en configuration pédestre. L’essor des futures radios logicielles permettra de connecter le JTAC à de multiples réseaux qui aujourd’hui sont séparés ou inaccessibles. Ces nouvelles radios seront multi-bandes et multi-réseaux. Elles auront un format réduit et de type « all in one ». Ces dispositifs pourront s’adapter au terrain et aux menaces afin de changer leur mode de transmission ou méthode de chiffrement sans aucune intervention humaine. Ces radios permettront aux JTAC de basculer en temps réel et automatiquement d’un réseau terrestre vers des réseaux satellitaires pour atteindre des centres opératifs distants en haut débit. De plus la multiplication des satellites de communication permettra une meilleure résilience des moyens face à un nouveau défi que sera la future guerre électronique distribuée. Pour exemple de ces dangers, le système de guerre électronique Russe Krasukha est par exemple capable de brouiller des AWACS, mais aussi les fréquences utilisées par les drones. Ces nouveaux réseaux de desserte utilisant de plus en plus les réseaux de radio fréquences seront d’autant de nouveaux points névralgiques que l’adversaire se prépare déjà à contrer.

Trois bandes semblent dégager un consensus autour de leurs performances, la bande UHF, la bande L et la bande Ku. La bande UHF, le nouveau MUOS appelé à remplacer les satellites de la gamme UHF Follow-on devrait permettre d’ouvrir de nouveaux horizons. Cette nouvelle constellation sera compatible aux anciens terminaux et offrira une connectivité en bande étroite. Cette bande permet notamment de faire de la voix et un peu de donnée. Puis la bande L, elle est principalement exploitée par Inmarsat & Iridium, elle permet de créer un réseau haut débit entre les JTAC et leur C2 par satellite. Elle commence également à être déployée pour des réseaux sol-sol haut débit par l’intermédiaire du réseau terrestre de type ANW2. A terme le réseau sol-sol et satellite seront relié et donc ne feront plus qu’un. La bande L  est aussi la bande de fréquence du réseau des vecteurs aériens (la liaison 16). Cette bande permet d’envoyer de l’image et un flux d’informations en temps réel (de l’ordre de la seconde). La troisième est la bande Ku, elle est exploitée plus particulièrement par les vecteurs aériens qui se doivent de transmettre en haut débit de la vidéo en temps réel et de haute qualité vers d’autres effecteurs. Cette fréquence pour le moment confidentielle sera dans le futur un incontournable puisqu’elle permettra d’envoyer de grosses quantités d’informations de façon chiffrée.

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Nous n’imaginons pas aujourd’hui, qu’il pourrait exister dans le futur qu’une seule et unique fréquence. Tout dépendra du besoin du JTAC et de son environnement. Par contre une chose nous parait évidente, c’est que le JTAC devra être équipé d’un seul poste radio qui permettra d’avoir accès à ces 3 fréquences. L’augmentation de tous ces réseaux « portés » sur des fréquences interrogent car en Syrie des moyens de guerre électronique distribuée ont déjà été déployés permettant de tester grandeur nature leur niveau de performances.

Révolutionner le soutien des forces grâce au GEOINT

Employé de nos jours au cœur des opérations, le GEOINT continuera de jouer un rôle clé afin de garantir la précision des frappes comme la compréhension de l’environnement opérationnel entre les différents acteurs de la chaîne CAS. A travers ce scénario d’anticipation, de nombreux axes de développement se dessinent pour la discipline du GEOINT qui restera un outil indispensable dans les armées du monde entier pour partager et visualiser des informations déterminantes. Les évolutions et révolutions à venir dans les capteurs, les outils de traitement et de dissémination/présentation des informations vont encore transformer cette discipline et faciliter son intégration au plus près du JTAC et des autres combattants sur le terrain. Pour la plupart, ces évolutions seront intimement liées aux développements technologiques en cours, dans notamment les domaines de l’espace, des objets connectés, de l’intelligence artificielle et de la réalité augmentée.

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La prolifération des constellations de petit / mini / micro satellites va se poursuivre, transformant ainsi l’outil satellitaire comme un moyen plus agile, moins coûteux et presque consommable de collecter de l’information. Les drones et l’arrivée des pseudolites permettra également le recueil d’informations multi-sources (optique, radar, électromagnétique) sur les théâtres d’opérations où l’espace aérien est permissif. L’ensemble de ces outils permettront de matérialiser la persistance de la surveillance d‘une zone d’intérêt tant fantasmée par Hollywood, en offrant aux combattants la capacité de visualiser les informations captées en quasi temps réel. L’Intelligence Artificielle jouera un rôle de premier ordre dans l’exploitation intelligente des masses d’informations collectées et fera partie intégrante de la chaîne PED (Processing, Exploitation, Dissemination). Embarqué directement dans les capteurs pour optimiser le volume de données collectées et trier les informations à transmettre aux opérateurs, elle permettra de filtrer les informations pertinentes des masses de données recueillies par les nombreux vecteurs qui surveilleront 24/24h le théâtre d’opération. L’objectif sera de fournir aux combattants comme aux décideurs une vision toujours plus exhaustive de l’environnement opérationnel et de ses nombreux enjeux. L’analyse automatisée de l’environnement permettra de déterminer la praticabilité des itinéraires pédestres ou véhicules afin de faciliter l’insertion des forces comme d’identifier les meilleurs points d’observations pour positionner le JTAC et lui permettre de couvrir la zone d’action. Les dispositifs de surveillance persistante combinés aux algorithmes de reconnaissance d’image permettrons également d’identifier et localiser des menaces potentielles ou suivre automatiquement l’évolution des forces ennemies autre travers une image ou flux vidéo persistant (FMV). Ces algorithmes seront capables de renseigner et partager une tenue de situation opérationnelle actualisée sur les différents systèmes de commandement du théâtre. Ce « Red Force Tracking » facilitera la prise de décision en permettant d’anticiper et répondre à des questions complexes, sur « ce qui se passera » ou « pourrait se produire ».

Le GEOINT sera également présent à travers de multiples objets connectés qui viendront transformer chaque combattant ou véhicule en capteur, et permettra de recueillir de nombreuses informations sur leur état (fatigue, munitions, vivres, carburant) ainsi que de tenir à jour une cartographie précise de leur environnement. Comme pour la plupart des véhicules civils, les véhicules militaires auront désormais des capacités autonomes et seront équipés de capteurs permettant une cartographie rapide du terrain grâce à des capteurs embarqués. Ces données permettront d’établir une cartographie actualisée et précise de l’environnement opérationnel. Les combattants seront à la fois consommateurs et producteur de données, ils auront également la capacité de remonter toute information susceptible d’enrichir cette cartographie et pourront bénéficier des mises à jour réalisées (une fois validées) simultanément. Cette capacité d’enrichissement mutuel des acteurs engagés sur un théâtre d’opération reflète la transversalité du GEOINT. Cette approche permettra aux forces armées d’échanger des informations géolocalisées et d’accéder plus rapidement aux données dont ils ont besoin en boucle courte, un véritable plus à l’heure où la majorité des opérations sont conjointes.

Mais la plus grande révolution concernera probablement la manière dont seront présentées les informations aux combattants. Les années 2020 auront été marquées par la montée en puissance de la réalité augmentée et permettra aux informations géographiques de littéralement « sortir de l’écran ». Plus besoin de tablette, ni d’écran déporté, les utilisateurs n’auront besoin que d’un terminal et d’une paire de lunettes de réalité augmentée pour visualiser les informations géographiques et tactiques pertinentes à leur mission. L’affichage de ces informations directement dans le champ de vision de l’utilisateur optimisera grandement la compréhension de la situation opérationnelle et limitera le risque des tirs fratricides. Ce type de dispositif permettra au JTAC de conserver toute son attention sur ce qu’il se passe sur le terrain plutôt que de déporter son attention sur un écran tiers, il permettra également aux pilotes d’identifier rapidement les positions amies. En un clin d’œil et un tour d’horizon, il lui sera possible d’identifier les forces amies, ennemies autour de lui. La réalité augmentée va parfaire l’intégration de la géolocalisation aux systèmes décisionnels sur le terrain en facilitant l’échange en temps réel d’informations critiques entre les différents acteurs (terrestres, aériens) d’un théâtre et permettra par exemple au JTAC de désigner clairement un objectif, ou zone potentiellement hostile.

Du JTAC augmenté vers le transhumanisme ?

Présentant des avantages dans le civil comme dans le miliaire, certaines avancées se concrétisent et modifient profondément l’art de la guerre. Les confrontations entre soldat non augmenté et soldat augmenté appellent dès aujourd’hui à repenser l’art de la guerre. Au vu de la complexité des missions, le JTAC sera vraisemblablement augmenté dans le but d’optimiser ses capacités de combat. De nombreux projets de recherche de « super soldat » ont vu le jour à travers le monde. La Defense Advanced Research Project Agency (DARPA) travaille actuellement sur un projet d’un nouveau genre avec un budget de plus de 50 millions d’euros. Le fait même que la DARPA ait autorisé à ces projets soient dévoilés dans les médias de masse, signifie probablement que l’étape de développement est presque aboutie et qu’ils sont prêts à essayer de convaincre un public hésitant de les accepter. Selon les prévisions de l’armée américaine, à l’avenir, leurs soldats et par extension les JTAC de demain pourront courir à des vitesses olympiques ou bien encore porter des poids énormes. Parmi les nombreuses voies explorées, celle du soldat amélioré, ou équipé de technologies exogènes émergent notamment les exosquelettes ou des casques multifonctions. Fini le JTAC qui grimace en enfilant son sac opérationnel de 60 kg ou vulnérable aux attaques NRBC puisqu’il le portera en permanence.

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La seconde voie à explorer, plus incertaine mais tout aussi passionnante est celle du Transhumanisme. Si l’on souscrit au fait de rajouter du matériel sur le JTAC pour augmenter ses capacités, pourquoi ne pas penser technologies endogènes ? Les travaux récents de la DARPA sur l’implantation de puces électroniques dans le cerveau pour booster ses capacités témoignent d’une révolution – bien que tabou – digne des films de science-fiction les plus fous. Certains projets visent à modifier le métabolisme du soldat en augmentant ses capacités physiques, à réduire son cycle du sommeil, ou bien encore à supprimer la douleur. D’autres comme le programme NESD (Neural Engineering System Design) vise en premier lieu à développer une interface neuronale implantable capable de fournir une résolution de signal et une bande passante de transfert de données sans précédent entre le cerveau humain et le monde numérique. On peut donc facilement imaginer en 2030 un JTAC capable d’acquérir et visualiser une situation tactique par la pensée pour voir s’afficher les forces amies dans ses lentilles de contact de combat ou la visière de son casque. La génétique aura elle aussi a son mot à dire, certains laboratoires pharmaceutiques proposeront des modifications de l’ADN ou des nanotechnologies. Nous pourrions donc par extension imaginer une amélioration de la vue de « super JTAC » qui pourrait ainsi voir la nuit, sans avoir besoin de jumelles à vision nocturne (JVN). Là encore on pourrait en sourire mais des laboratoires sont déjà en train d’expérimenter ces technologies sur des souris. En tout état de cause si le JTAC existe encore et qu’il est sur le terrain en 2030, il est fort à parier qu’il sera augmenté technologiquement ou génétiquement.

L’IA assistant virtuel ou remplaçant naturel du JTAC ?

L’intelligence artificielle marque une véritable rupture sur l’évolution darwinienne. L’IA est devenue un sujet central dans la réflexion géostratégique des grandes nations car elle apparaît comme un nouvel enjeu de puissance.

Un des changements de paradigme pourrait être d’intégré l’IA dans le matériel informatique du JTAC et lui fournir une assistance de premier ordre. L’IA serait capable d’écouter les échanges radio et préremplir les 9 lines au moment opportun, vérifier en temps réel la cohérence des coordonnées envoyées à la voix avec les positions déjà connues dans sa base de données afin d’éloigner tout risque de tirs fratricides. Etant en communication avec l’ensemble des vecteurs aériens dans sa zone d’action, l’IA pourrait vérifier, contrôler une situation complexe dans un espace aérien afin d’éviter d’éventuels conflits lors de la frappe aérienne. Elle pourrait d’autre part gérer intelligemment les communications pour faire en sorte que le JTAC soit toujours en communication avec les décideurs et du vecteur équipé du bon « payload ». Cette « intelligence embarquée » présenterait l’avantage de ne pas être sujette aux phénomènes extérieurs tels que le stress, la nuit, la fatigue, le brouillard qui peuvent entraîner des erreurs d’appréciations.

Seconde hypothèse serait d’incorporer l’IA au sein d’un Air Support Operation Center. Cette IA pourrait aider les contrôleurs à définir le meilleur vecteur à envoyer en fonction de la demande numérique du JTAC. Elle pourrait faciliter l’estimation des risques de tirs fratricides plus rapidement et valider ou non un ordre de frappe en cas de risque. Enfin elle pourrait prédire les points névralgiques de l’ennemi en temps réel. La planification des frappes sur des points névralgiques de l’ennemi ne serait plus de l’ordre de la planification mais passerait de fait de la vitesse de traitement des informations sous le giron de la conduite. Cette IA pourrait remplacer les personnels du C2 air dans les taches comme l’analyse de la situation air-sol, dans l’allocation dynamique des vecteurs aériens, dans la prise de décision et tout cela avec une rapidité qui dépasse de loin celle des opérateurs humains. Une vraie révolution ici encore.

Il existe aujourd’hui de réels enjeux de souveraineté concernant le développement de l’intelligence artificielle mais il ne faut pas oublier que la plupart des progrès qui ont eu lieu ces dernières années dans la recherche sur l’IA se sont principalement produits dans les secteurs privés et dans les universités. Il est fort à parier que l’avance prise par ces derniers soit conservée et soit d‘autant plus dominante à l’avenir et que leur implication dans programmes militaires étatique ait une influence non négligeable. L’assistance fournie par Google au Departement of Defense (DoD) pour développer ses algorithmes (projet MAVEN) témoigne du besoin stratégique qu’ont les états de se rapprocher des acteurs privés pour arriver à leur fin. Rien de compliqué pour un pays comme les Etats-Unis qui concentre l’ensemble des champions de la discipline, mais qu’en est-il en France et dans le reste du monde ? En France, les savoir-faire en la matière sont bien présents et certains challengers prennent le pas pour proposer des solutions susceptibles de répondre aux besoins de la Défense. Pour ne citer qu’eux, on notera notamment le projet innovation d’aide à la décision GEOTAC soutenu par la mission innovation et participative (MIP) de la DGA ainsi que la société EarthCube, spécialisée dans l’exploitation automatisée d’images satellitaires & aériennes.

L’appui aérien face aux dérives technologiques et futures menaces

Les futures confrontations impliquant le soldat non augmenté, le soldat augmenté et l’IA appellent à repenser l’art de la guerre. Comme nous avons pu le voir, les innovations seront très probablement incrémentales et la plupart sont déjà connues. Elles impliquent pour la plupart de très hauts niveaux de technicité que seuls une poignée d’acteurs – étatiques ou privés – auront la capacité de maîtriser. Encore majoritairement téléopérés, le développement des capacités autonomes des drones et l’intensification de l’usage de la robotique semble être un enjeu majeur des années à venir. Cette quête d’autonomie vise à donner aux drones la possibilité de prendre certaines décisions par eux-mêmes, comme de déterminer leur propre géolocalisation (on parle alors d’égo-localisation) ou de détecter et de pister une cible dans différents milieux. Il est également probable que ce développement soulève la question de l’usage des systèmes létaux autonomes (SALA) au cours de la prochaine décennie. Les institutions devront veiller à ce que l’intelligence artificielle s’intégre à la chaîne décisionnelle en tant que soutien et non à la place de l’humain, au risque que les automatismes de l’IA n’en viennent à traiter militairement des situations avant même qu’elles ne soient comprises par les opérateurs humains.

Certaines technologies librement accessibles sont sujettes à l’émergence de nouvelles menaces, à l’image des drones ou encore de l’IA. Leur facilité d’accès au plus grand nombre fait planer des menaces susceptibles d’évoluer très rapidement lors de conflits, comme nous avons pu l’observer récemment en Syrie et en Irak, avec la militarisation de drones grand public par les combattants de Daesh. D’autre part, le spectre de la guerre électronique et des cyber-attaques fait également peser de lourdes menaces sur la résilience des réseaux de plus en plus interconnectés et systèmes automatisés. Identifié comme étant aujourd’hui une grande vulnérabilité des forces armées modernes, la protection des réseaux de communications et systèmes autonomes sera un enjeu majeur. De plus, nombre des moyens de communications et d’observation employés reposent actuellement sur l’emploi des satellites, sujet eux aussi à la militarisation de l’espace.

Si les nouvelles technologies vont transformer l’appui aérien rapproché dans la prochaine décennie, il semble aujourd’hui clair que le JTAC restera l’élément central qui permettra de mener à bien les missions de CAS et qu’il gardera la responsabilité de la décision ultime. Le challenge de ces nouvelles technologies sera de tirer profit de tout type d’environnement ou situations pour permettre l’accomplissement de la mission du JTAC dans les meilleures conditions possibles, tout en limitant son exposition aux menaces et vulnérabilités.

 Hervé Le Borgne & Jean-Philippe Morisseau

3 réflexions sur “A quoi ressemblera l’appui aérien en 2030 ?

  1. Bon jour,
    Et pourtant il manque une clé fondamentale : les « ordinateurs » et serveurs quantiques. Comment réaliser d’une manière efficace les gestions des forces, de l’information, de la tactique, … si ce quantique fait défaut ? Ce n’est plus une chimère et le tout possible est en train de s’accomplir ….
    Article fort intéressant.
    Max-Louis

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