Depuis le début des années 2000, notre dépendance vis à vis des systèmes de positionnement par satellite n’a cessé de croître. Que ce soit en matière de défense, de sécurité, de gestion et de transport, ces systèmes sont aujourd’hui utilisés pour une gamme sans cesse croissante d’applications critiques et sont devenus indispensables pour se positionner avec précision n’importe où dans le monde. Cependant, cette dépendance comporte des risques pouvant entraver ce que nous considérons aujourd’hui comme acquis. Une perturbation prolongée des signaux des Global Navigation Satellites Systems (GNSS) causée par des manœuvres de brouillages ou autres menaces de cybersécurité entraîneraient de graves perturbations impliquant la sécurité nationale de nombreux états et même de l’économie mondiale.

Qu’ils soient intentionnels ou involontaires, la multiplication récente des incidents liés aux systèmes de navigation par satellite en dit long sur les menaces qui pèsent sur ces réseaux. Aujourd’hui devenus indispensables tant pour nos armées modernes que notre quotidien, nous devons nous attendre à faire face à des situations où les systèmes de positionnement par satellites seront indisponibles ou dégradés et prendre les mesures nécessaires pour détecter ces menaces et nous y préparer.

Qu’est ce que le GPS?

Le premier système de positionnement par satellite au monde est le Global Positionning System (GPS) ou NAVSTAR, il s’agit d’un système américain. Le premier satellite de la constellation a été mis en orbite en 1978 et il aura fallu 17 ans pour que ce système soit déclaré pleinement opérationnel en janvier 1995. Longtemps réservé aux militaires, le système a été ouvert aux usages civils en mai 2000, date à laquelle la dégradation volontaire du signal GPS (Selective Availability – SA) a été levée.

Le système GPS repose sur une constellation d’une trentaine de satellites qui permet à un utilisateur, situé sur n’importe quel point du globe d’avoir toujours au minimum quatre satellites à portée. Pour déterminer sa position, le terminal de l’utilisateur utilise la méthode de la trilatération spatiale en utilisant les signaux d’au moins trois satellites. L’intersection des trois signaux permet d’identifier un point unique dans l’espace. Un quatrième satellite est néanmoins requis pour permettre de déterminer le décalage des horloges et réduire les incertitudes liées aux autres sources de perturbation du signal.

Pourquoi faut-il parler de GNSS?

La multiplicité des systèmes de positionnement par satellites existant aujourd’hui impose l’usage d’un terme générique désignant l’ensemble de ces systèmes. tableau GNSS.JPGDans la mesure ou l’appellation GPS désigne un système particulier (le système américain), il convient d’utiliser un terme plus générique pour évoquer les différentes constellations de satellites de positionnement (voir tableau ci-contre). C’est la raison pour laquelle il est aujourd’hui préférable d’utiliser l’appellation Global Navigation Satellites System (GNSS).

Un système ancré au plus profond de notre société

Si le système est avant tout connu du grand public pour permettre de se localiser n’importe où dans le monde, les usages du système GPS sont en réalité très variés. Les satellites d’un GNSS comprennent généralement trois ou quatre horloges atomiques chacun, ces horloges sont surveillées et contrôlées en permanence pour être hautement synchronisées et traçables. Ces horloges sont au cœur du fonctionnement d’un GNSS et servent aussi de référence pour de nombreux domaines à travers le monde.

«Le GPS est un catalyseur mondial dont dépend des milliards d’utilisateurs», colonel Steve Whitney, directeur du GPS Directorate au Space and Missile Systems Center de l’US Air Force.

Une synchronisation précise et fiable joue par un exemple un rôle essentiel sur les marchés financiers mondiaux. L’horodatage sur une échelle de temps de référence commune des centaines de millions de transactions effectuées par seconde s’appuie aujourd’hui sur l’heure GPS. Cet horodatage précis permet d’avoir une traçabilité extrêmement précise des transactions financières et permet par exemple de prévenir d’éventuelles irrégularités commerciales.

« Il y a 250 millions de transactions par seconde sur le New York Stock Exchange. Comment sont-ils sûrs qu’ils achètent et vendent dans l’ordre où les commandes sont reçues? Eh bien, tout cela est horodaté en utilisant le GPS.  » Dana Goward, directeur & président de la Resilient Navigation and Timing Foundation.

Les systèmes d’alimentation en énergie électrique reposent également sur la synchronisation temporelle pour faire correspondre, changer et suivre les modèles de demande de puissance et ajuster la génération d’énergie. Par le passé, de nombreuses pannes d’électricité étaient causée par des défaillances de synchronisation. C’est pourquoi aujourd’hui toutes les centrales électriques américaines sont synchronisées sur l’heure GPS, cela permet de garantir le bon fonctionnement des installations en enregistrant des informations précises à quelques millisecondes seulement.

Le GPS, un système vulnérable?

Il est difficile d’imaginer une panne du système GPS à grande échelle. Malheureusement, le risque est bien réel et les conséquences à long terme pourraient être catastrophiques.

« Les menaces potentielles à la constellation GPS sont vastes et bien réelles, allant de l’attaque physique à la cyberattaque et à l’interférence de signal ou de brouillage », Colonel Steve Whitney

Une des menaces les plus probables est avant tout une menace naturelle. Au cours des dix dernières années, les éruptions solaires ont déjà causé plusieurs pannes du système GPS, d’une dizaine ou quinzaine de minutes chacune. La dernière en date remonte à 2014 et a gêné la navigation maritime. Ces éruptions perturbent la ionosphère en empêchant les très faibles signaux GPS de passer. Une éruption solaire d’envergure pourrait avoir des conséquences bien plus graves et mettre hors service temporairement ou définitivement certains satellites.

II existe pourtant bien d’autres menaces pouvant interférer avec les constellations de positionnement telles que les armes antisatellites, ou encore le risque de collision lié aux débris spatiaux. Si la menace d’attaque physique des satellites GPS n’est pas à exclure, elle reste moins probable que les attaques menées directement sur les signaux du GPS qui ne sont pas rares aujourd’hui.

Une menace de plus en plus préoccupante

A l’image de notre société moderne, les forces armées ont aujourd’hui une dépendance aiguë au système GPS. Il s’agit là d’un véritable problème, certaines de nos capacités militaires stratégiques reposent sur les systèmes de positionnement par satellite. La navigation en mer, dans les airs et au sol repose par exemple en grande partie sur le système GPS mais cette dépendance touche aussi de nombreux systèmes d’armes, comme les missiles de croisière et les bombes guidées par GPS (Missiles Tomahawk, kits de guidage JDAM et obus d’artillerie « intelligents »), qui ont recours à cette technologie – ou du moins en grande partie – pour atteindre leurs objectifs de façon fiable et précise. Cette dépendance est une faiblesse que certains pays cherchent à exploiter, et la question est aujourd’hui prise très au sérieux par les armées.

Les concepts du brouillage et du leurrage

Le brouillage est un concept qui implique des perturbations sur un signal. Il existe plusieurs types de perturbation liées aux techniques de brouillage :

  • La transmission d’un signal plus puissant dans la même bande de fréquences que le GPS afin de perturber les signaux GPS
  • La transmission de signaux identiques aux signaux transmis par les satellites GPS, une approche connue sous le nom de leurrage ou « spoofing ». Cette dernière technique permet d’émettre des signaux GPS afin de transmettre de fausses informations de localisation.

Bien qu’illégal aux Etat-Unis et dans l’Union Européenne, il est étonnamment assez facile de se procurer un dispositif de brouillage permettant de bloquer les signaux de navigation GPS (et/ou signaux téléphoniques) et ce, pour un coût relativement raisonnable. La capacité de ce type de matériel est généralement restreinte et sa portée varie de 5m à 15m (parfois plus). La plus part sont utilisés pour contourner l’utilisation de dispositifs de traçage GPS. Les dispositifs militaires permettent quant à eux de faire peser une menace bien plus lourde et de brouiller, voir même d’interrompre les signaux GPS sur plusieurs centaines de kilomètres à la ronde.

Pour rappel, la veille du déclenchement de l’opération Iraqi Freedom en 2003, la société Russe Aviaconversiya avait été pointée du doigt pour avoir fourni des dispositifs de brouillage GPS aux forces armées Irakiennes. Ces émetteurs portatifs de 8kg (voir photo ci-dessus) étaient assez puissant pour brouiller les signaux GPS jusqu’à une distance de 200km. Facile à repérer lorsqu’ils sont en fonctionnement, les sites ont pu être identifiés autour de Bagdad et ont été rapidement neutralisés par des frappes de la coalition. Selon le Pentagone, l’impact de ces brouilleurs sur les opérations aura été relativement faible et l’un des sites en question aurait même été traité par une bombe à guidage GPS JDAM, cependant la menace a suffisamment été prise au sérieux pour que ces sites soient traité en priorité.

Bien qu’a prendre avec des pincettes, la version avancée par le média propagandiste Russe Sputnik News avance que les forces américaines ont été contraintes de traiter ces sites après que plusieurs missiles Tomahawk aient raté leur cible. Une version contestée par Washington.

Des « incidents » qui se multiplient

Depuis la dernière décennie, on observe une inquiétante multiplication des incidents impliquant la perturbation des signaux GNSS. L’initiative STRIKE3 de l’Union Européenne qui à pour but d’élaborer des normes internationales dans le domaine du signalement des menaces GNSS a récemment publié un rapport recensant plus de 160 000 événements d’interférences GNSS entre janvier 2016 et juin 2017. Ces événements ont été détectés par un échantillonnage effectué dans 14 pays différents.

Parmi ces événements, il faut différencier les interférences intentionnelles et non intentionnelles. Une antenne d’émission de télévision mal réglée peut par exemple être une source d’interférences non intentionnelle. Une interférence intentionnelle provient quant à elle d’un dispositif ayant pour vocation à brouiller les signaux GNSS. En novembre 2017, un cadre commercial a été condamné à 2000€ d’amende pour avoir omis d’éteindre un brouilleur GPS localisé dans son véhicule, garé à l’aéroport de Nantes. Son fonctionnement a sérieusement perturbé le fonctionnement de l’aéroport contraignant l’Agence Nationale des Fréquences (ANF) à intervenir pour détecter et désactiver le brouilleur.

Le nombre d’interférences intentionnelles des signaux GNSS ne cesse de croître depuis plusieurs années. Prisé des criminels, les dispositifs de brouillage GPS sont régulièrement employés dans les vols de véhicules haut de gamme. Dépourvu de sécurité, le signal commercial d’un GNSS est particulièrement vulnérable au brouillage, il reste malgré tout très largement utilisé dans les domaines des transports (aérien, maritimes et routiers) aujourd’hui. Lorsque certains gouvernements s’inquiètent de l’impact qu’auraient de telles attaques sur leur infrastructures de transports, d’autres sont déjà victimes de ce type d’attaque. Le gouvernement sud-coréen a reporté d’importantes activités de brouillage provenant de la Corée du Nord en mars 2016. Environ 1000 avions civils ainsi que 700 bateaux auraient été affectés par ces manœuvres de brouillage sur plusieurs périodes.

Plus récemment encore, lors de l’exercice ZAPAD 2017 mené conjointement par la Russie et la Biélorussie, le renseignement militaire norvégien à confirmé l’usage de dispositifs de brouillage des signaux GPS dans la région. Ces événements ont été observés le 7 septembre 2017 par des pilotes de vols commerciaux volant à proximité de la frontière lors de l’exercice. Le GPS des appareils se serait coupé dès que les vols ont atteint une altitude de 2 000 à 3 000 pieds. Le 30 août 2017 déjà (et toujours au cours de cet exercice),  la Lettonie a connu une importante panne de son réseau cellulaire dans toute la partie ouest du pays, située le long de la mer Baltique. D’innombrables incidents de ce type ont également été reportés en Ukraine et en Syrie ces dernières années.

Le cas du leurrage (ou « spoofing »)

Si le brouillage par interférence peut être non intentionnel, le leurrage ou « spoofing » est une technique de brouillage sophistiquée impliquant la plus part du temps des moyens techniques et logistiques plus importants, souvent difficiles à acquérir sans un soutien étatique. Le remplacement de signaux GNSS par de faux signaux peut gravement perturber et confondre les capacités de géolocalisation des utilisateurs. Il s’agit là de mesures offensives pouvant avoir de lourdes de conséquences  dans les domaines du transport maritime et du transport aérien.

En 2016, des citoyens russes ont observé des erreurs de localisation sur leurs périphériques GPS sur certaines zones du centre de Moscou. Ces erreurs étaient de l’ordre d’une trentaine de kilomètres et ont impacté les services de l’entreprise Uber, dont l’application utilise massivement la géolocalisation pour fonctionner. L’affaire a duré suffisamment longtemps pour attirer l’attention des médias sur la question. Ils ont pu constater un brouillage par usurpation sur leurs smartphones en direct (images ci-dessus, vidéo ici). Si les autorités Russes ne se sont pas clairement exprimées sur le sujet, certains experts invoquent des expérimentations pour interdire le survol de drones dans certaines zones de la capitale russe.

Plus récemment encore, un autre incident du même type (mais à plus grande échelle) a impliqué une vingtaine de navires civils le 24 juin 2017 en Mer Noire au large de Novorossiysk. Les marins ont constaté une erreur de positionnement GPS de plus de 25 miles nautiques (environ 40km) de leur position réelle. La consultation de sites web permettant le suivi le du trafic maritime a permis de remarquer que les navires de la région se déplaçaient de temps à autre à l’intérieur des terres, les uns à côté des autres. Il s’agit ici du cas de brouillage par usurpation le plus documenté qui existe aujourd’hui. Il est inquiétant de constater qu’il n’existe aucun système d’alerte pour prévenir les utilisateurs lors d’une attaque de ce type, les faux signaux ne sont pas différentiables des vrais pour un récepteur civil. En d’autres termes, une attaque de leurrage GPS par usurpation peut passer complètement inaperçue des utilisateurs civils.

twitter TU214SR.JPG

S’il n’y a, à leur actuelle aucune certitude quant à la plateforme ou système à l’origine de la perturbation en Mer Noire, il est intéressant de noter qu’un avion de relais de communications stratégique russe (un TU-214SR) volait justement dans la zone au moment des faits. Il n’est pas impossible que cet appareil ai expérimenté des capacités d’émission de faux signaux GPS.

Entre médiatisation et désinformation

Jusqu’à présent, les cas avérés de leurrage sont assez rares et n’ont touché que des récepteurs civils utilisant les signaux les plus vulnérables du GPS, les signaux commerciaux. Les signaux utilisés par les militaires sont quant à eux chiffrés et authentifiés, rendant presque impossible pour une force adverse de générer des signaux militaires valides. Les incidents qui ont frappé marine américaine en 2017 ont pourtant soulevé un certain nombre d’interrogations quant à la capacité étrangère à leurrer des signaux GPS militaires par usurpation. Si la presse a largement spéculé sur un probable cas de leurrage, il est important de noter que si un tel brouillage avait bel et bien eu lieu, d’autres marins de la région l’auraient détecté et auraient probablement reporté l’incident. Cette hypothèse avait également été évoquée en 2011 lors de la capture du drone RQ170 par l’Iran, mais cela reste très improbable.

Le spectre de la guerre électronique

Certains pays comme la Russie, la Corée du Nord et l’Iran ont développé ces dernières années de fortes capacités de guerre électronique. Ce développement est une réponse à la forte dépendance aux moyens de communications (SATCOM) et systèmes de positionnement par satellite des forces armées de l’OTAN. Les armes guidées par GPS et les drones sont particulièrement visés par cette stratégie.

« La Russie a investi massivement dans des systèmes de guerre électronique capables de couper les communications et les signaux sur un large spectre », a annoncé le groupe Asymmetric Warfare dans un manuel publié en décembre 2016.

Les événements récents en Syrie, Ukraine et en Russie – durant l’exercice ZAPAD 2017 – ont souligné le recours à la guerre électronique était aujourd’hui systématique aux manœuvres des forces armées Russes. Dans l’est de l’Ukraine, ces systèmes de guerre électronique se sont avérés dévastateurs sur les radiocommunications ukrainiennes et ont permis de brouiller les drones. Plusieurs cas de leurrage des signaux GPS par usurpation ont été reportés ainsi que des cyberattaques impliquant le vol de données, mais ils demeurent à l’heure actuelle très peu documentés.

Le plan B, être prêt à se passer du GPS

Depuis 2004, le gouvernement fédéral a reconnu que l’absence d’un système de secours fiable pour le GPS constituait une menace sécuritaire et économique flagrante pour les États-Unis et a réaffirmé son intérêt pour le développement d’un système de navigation à longue portée amélioré. Ce constat a permis l’établissement la même d’un comité exécutif national du PNT (Positionning, Navigation and Timing) spatial pour superviser la création d’un système de secours au GPS. Mené par le Department of Transportion (DoT) et le Department of Homeland Security (DHS), le comité a recommandé dès 2008 le développement du système eLoran, basé sur le système de navigation maritime à longue portée appelé Loran-C. Bien que jugé obsolète et arrêté en 2010, le réseau d’antennes terrestres du LORAN-C a récemment été remis en service à la demande de l’US Navy.

« Les signaux GPS sont l’infrastructure la moins visible et la plus vulnérable de l’Amérique »,  Dana Goward.

Préparer les forces armées

Signe flagrant de la prise en compte sérieuse des menaces qui pèsent sur le système GPS, l’US Air Force a conduit du 26 janvier au 16 février dernier un exercice aérien simulant un environnement de guerre électronique interdisant l’usage du système GPS. Les pilotes ont dû, tout au long de l’exercice se fier à d’autres moyens de navigation et de ciblage pour mener à bien leurs missions.

L’US Air Force n’est pas la seule composante à se préparer à ce scénario, en juin 2016, l’US Navy a également mené des tests grandeur nature en simulant une panne GPS majeure sur plusieurs semaines. Cela démontre que l’armée américaine se prépare très sérieusement à faire face à ce type de situation à l’avenir et expérimente probablement des solutions alternatives pour maintenir leurs capacités.

Quelles alternatives ?

Si le Departement of Defense (DoD) envisage de dépenser plus de 5 milliard de dollars sur les cinq prochaines années afin de développer la résilience du système GPS contre les menaces extérieures. La faible puissance des signaux satellites rend cependant très complexe le développement de nouveaux systèmes contre lesquels des forces adverses ne pourront pas rapidement développer des systèmes de brouillage. Ce constat justifie la volonté du Pentagone de trouver des solutions alternatives pour maintenir les capacités de positionnement et de navigation des armées en opération.

Les pseudolites

Parmi les pistes envisagées, l’US Army semble se tourner vers l’utilisation de pseudolites (comprendre pseudo satellite), qui fonctionneraient comme les émetteurs de satellites de positionnement via un réseau d’antennes terrestres afin de recréer un système positionnement local (par local entendre régional) alternatif au système GPS (qui est un système global). Ce type de système aurait l’avantage de pouvoir s’adapter plus facilement dans un environnement brouillé en permettant la modulation de la puissance des signaux émis en réponse à un éventuel brouillage adverse.

«La proximité des pseudo-lites au sol permet aux combattant d’obtenir des informations de position dans des environnements que le GPS peine à atteindre, tels que les forêts, les vallées et les canyons, ou même partiellement dans les environnement cloisonnés tels que les immeubles» John Delcolliano PNT Branch Chief au Communications-Electronics Research, Development And Engineering Center (CERDEC) de l’US Army

Les systèmes de navigation inertiels recalés par visée stellaire

Développés en plein cœur de la guerre froide, les systèmes de navigation inertiels recalés par visée stellaire ou Astro-inertial navigation systems (ANS) qui équipent les missiles balistiques et certains avions de l’US Air Force (dont notamment le prestigieux SR-71) offraient une précision de localisation assez inédite à l’époque ou le système GPS n’existait pas. Les experts estime que ce système permettait au SR-71 de se positionner au kilomètre près après un parcours de 20 000 kilomètres. Ce type de système est également utilisés sur les satellites afin de leur permettre de s’orienter de manière indépendante. 

Aujourd’hui plus compact et plus évolués, ces systèmes équipent certains appareils de l’US Air Force (dont le RC135, le B1B et le B2 Spirit) et seraient capables de positionner un appareil à 100m près dans un environnement ou le GPS serait inopérant. Selon Lockeed Martin, le système DAS (Distributed Aperture System) qui équipe le F-35 pourrait également être en mesure d’intégrer des capacités de navigation par visée stellaire très précises. Pour en savoir sur le sujet plus je vous invite à lire cet article passionnant.

De nombreuses innovations

Les innovations de ces dernières années laissent le champ libre à de nombreuses possibilités en terme de navigation et de positionnement précis. Des technologies comme les systèmes de navigation inertiels, aujourd’hui plus précis, plus économiques et plus compacts, la miniaturisation des horloges atomiques, ou des concepts d’appariement d’images radar, pourraient aboutir à des capacités de navigation automatisées hautement fiables et redondantes permettant de s’affranchir de systèmes de positionnement par satellites.

Une autre technologie prometteuse est née du programme All-Source Positioning and Navigation (ASPN) lancé par la DARPA en 2013. Cela consiste a utiliser des signaux d’opportunité, tels que la télévision, la radio, les antennes relais et même des dispositifs de brouillage adverses pour se positionner. L’objectif de ce projet est d’offrir des solutions de navigation à faible coût, robustes et transparentes aux utilisateurs sur n’importe quelle plateforme opérationnelle et dans n’importe quel environnement. BAE System travaille actuellement sur ce concept et développe la solution de navigation baptisée Navigation via Signals of Opportunity (NAVSOP).

Quelles perspectives ?

Il est aujourd’hui crucial d’être en mesure de comprendre et d’évaluer le niveau de menace auquel nous faisons face afin de développer la résilience de nos réseaux de positionnement. C’est notamment le rôle que développe l’initiative Européenne STRIKE3, en surveillant et en archivant ces interférences afin de mieux comprendre leurs origines. Mais il ne faut pas se voiler la face, les récents événements prouvent que la menace est bien réelle et que peu de parades semblent véritablement efficaces dans un environnement fortement soumis à des manœuvres de brouillage. Pour illustrer ce rapport de force, « les faibles signaux GNSS pourraient être comparé au bruit d’un moustique et leur brouillage par interférences au rugissement d’un réacteur d’avion de chasse en post-combustion ».

La vulnérabilité des signaux commerciaux semble faire peser une menace permanente sur les infrastructures de transport et d’énergie de nombreux pays et pourrait déstabiliser durablement l’activité économique de ces derniers. Le développement de dispositifs de détection de ces menaces, ainsi que de nouvelles technologies de positionnement seraient susceptible d’apporter les moyens de survie indispensables aux infrastructures critiques. Leur usage combiné pourraient constituer une puissante alternative aux GNSS, pouvant mener les armées à se passer de ces services et gagner une longueur d’avance sur leurs adversaires.

Jean-Philippe Morisseau

 

Bibliographie

  1. STRIKE3 Program « Europe finding lots of jammers even more interference » https://rntfnd.org/2018/02/15/europe-finding-lots-of-jammers-even-more-interference/
  2. Alderton Matt « ‘Recalculating’ GPS » trajectorymagazine.com/recalculating-gps/
  3. TTU « Le bel avenir de la guerre électronique » https://www.ttu.fr/bel-avenir-de-guerre-electronique/
  4. Rogoway Tyler, « R-71’s « R2-D2″ Could Be The Key To Winning Future Fights In GPS Denied Environments » http://www.thedrive.com/the-war-zone/17207/sr-71s-r2-d2-could-be-the-key-to-winning-future-fights-in-gps-denied-environments?iid=sr-link1

  5. Rogoway Tyler, « This is Likely Why the Navy Is Causing a Massive and Mysterious GPS Outage in the Western US » http://www.thedrive.com/the-war-zone/3865/this-is-likely-why-the-navy-is-causing-a-massive-and-mysterious-gps-outage-in-the-western-us?iid=sr-link2

  6. Trevithick Joseph « Russia Jammed Phones and GPS in Northern Europe During Massive Military Drills » http://www.thedrive.com/the-war-zone/15194/russia-jammed-phones-and-gps-in-northern-europe-during-massive-military-drills
  7. Bailey Kathryn « Pseudolites preserve position information during GPS-denied conditions » https://www.army.mil/article/169033/pseudolites_preserve_position_information_during_gps_denied_conditions
  8. Lagneau Laurent « Les participants à l’exercice aérien Red Flag 2018-1 devront se passer du système GPS »http://www.opex360.com/2018/01/28/participants-a-lexercice-aerien-red-flag-2018-1-devront-se-passer-systeme-gps/
  9. Rogoway Tyler, « This is Likely Why the Navy Is Causing a Massive and Mysterious GPS Outage in the Western US » http://www.thedrive.com/the-war-zone/3865/this-is-likely-why-the-navy-is-causing-a-massive-and-mysterious-gps-outage-in-the-western-us
  10. Pomerleau Mark « No GPS signal, no problem: Army works on ops in denied regions » https://www.c4isrnet.com/c2-comms/2017/06/05/no-gps-signal-no-problem-army-works-on-ops-in-denied-regions/
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8 réflexions sur “Le GPS est-il menacé?

  1. C’est une erreur très fréquente, mais il faut 4 signaux pour avoir un point unique. De la même façon qu’il faut 3 cercles pour avoir un point unique d’intersection (résolution d’un système d’équation quadratique avec deux inconnues), il en faut 4 pour les sphères qui rajoutent une dimension (et donc une inconnue dans le système d’équations). En ayant plus de 4 satellites, cela rajoute une sur-contrainte qui permet de réduire les erreurs liées aux incertitudes des horloges.

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